Histoire et Famille

Il s'agit de commenter le sacre de la Sagrada Familia par le pape Benoît XVI dimanche dernier à Barcelone, Espagne.

Outre le fait qu'on pourrait s'indigner de ce sacre alors que l'édifice n'est pas achevé et que certains chantiers ferroviaires menacent encore sa solidité, on pourrait bien faire un peu d'humour noir et être un peu cynique en croisant les doigts pour qu'une catastrophe arrive : on en conclurait, l'âme en paix, que les victimes seraient alors rappelées à Dieu.

Blague à part, je ne suis absolument pas en mesure de citer d'autres cas historiques ou l'urgence et la nécessité du sacre d'un édifice religieux l'auront finalement emporté sur l'artistique et le temps que la création peut prendre.

Premier paradoxe en soit, les prédicateurs du Dieu Créateur s'empressent vivement de rendre le lieu accessible aux ouailles et prêcheurs, en omettant que la Création en soi n'a pas de limites à échelle humaine.

Du moins d'un point de vue Darwinien : étant athée, je ne sais pas si l'échelle de temps de Dieu est la même que celle de l'Homme en ce qui concerne l'acte créatif.

Pourquoi un tel empressement?

Le temps de la réflexion n'est pas le propre de l'Eglise Catholique, cela se saurait.

Il faut faire rempart là où on constate une fuite importante de clients... heu... de fidèles, pardon, pardon.

En effet, il semblerait que l'Espagne de José Luis Zapatero se laïcise rapidement mais sûrement: mariages gays, laïcité dans les institutions publiques, etc.

 Rien qui ne puisse plaire à l'unique occupant de la papamobile (©Carol Wojtila 1982).

Le plus choquant dans cette affaire n'est pas cette intervention express du VRP de la Christ Company, ce n'est pas non plus le fait que l'Eglise nous montre une fois de plus qu'elle est prête à faire basculer une oeuvre architecturale vers un statut d'édifice purement et simplement religieux (même si c'était sa finalité première du temps de Gaudi), ce n'est pas non plus qu'elle fait fi du Temps (avec un grand T), ni qu'après avoir condamné un attentat dans une mosquée de Bagdad, sa Saleté Benoît XVI préfère faire prendre des risques non à de simples touristes mais à ses propres fidèles qui iront prier la bave au coin des lèvres, pour que la nef fragilisée ne leur offre pas un aller simple vers le Purgatoire.

Le plus ignoble, le plus scandaleux, ce n'est pas cette bataille idéologique contre une Espagne 'laïcarde', non.

C'est le déni de l'Histoire.

Je retiens des propos papaux, pas beaux, une chose essentielle, parmi toutes les inepties anti-humanistes qu'on a pu entendre (condamnations radoteuses de l'avortement, du mariage gay) : la mise en garde vers un retour au temps de la Guerre Civile.

Mais quelles turpitudes historiques vise là la Christ Company?

L'état du pays en juillet 1936 avant le coup d'état des Nationalistes ou la résistance que leur opposèrent les Républicains?

Sachant que ces derniers étaient essentiellement des gens de gauche, progressistes, athées, anarchistes, internationalistes, il va sans dire qu'il met en garde les Espagnols de 2010 contre ces "dériiiiiives des moeurs, de la Moraaaaale".

Malgré mes faibles connaissances sur ce sujet (pardon, père et mère...), il est bien évident et scientifiquement vérifiable que l'Espagne de Franco, grand vainqueur de cette guerre civile sanglante, n'était ni des plus libertaire, ni très progressiste.

Donc, jeunes du Monde d'aujourd'hui et de demain, l'Espagne de 1936, montrée du doigt par le Pape, que tu n'as pas envie de revoir surgir à cause des méchants laïques, c'est bien entendu celle des Républicains athées et laïques!

Alors on l'écoute bien le Pape faire son homélie et l’on va s'endormir moins bête en ayant refait l'Histoire, à défaut de refaire le Monde.

Le Monde, lui (ou elle?), il repart, dans nombre de ses régions, vers un enclavement de la pensée libre, de l'expression du libre-arbitre et du développement de l'esprit critique propre à tout être humain.

C'est ainsi qu'on le refait jour après jour, bien sagement, placidement, en laissant piétiner les principes de laïcité et donc d'égalité par certains de nos dirigeants électoralistes et culs bénis (suivez mon regard), sans se poser trop trop de questions : ça fait des courbatures aux méninges.

Merci bien, Pappus ;  Carol peut ne pas se retourner dans sa tombe, nous sommes entre de bonnes mains... Non, pas trop bas l'hostie, m'sieur l'abbé, merci.

Encore une belle intervention de l'obscurantiste en chef qui me fait espérer qu'un matin, nous nous réveillerons au son d'un "non habemus papam" qui résonnera et laissera le Vatican et l'Univers ainsi, ad vitam eternam.